Cameroun – Blaise Andzongo : « l’intelligence artificielle est un risque à la désinformation»
Le Représentant Afrique de l’alliance de l’UNESCO pour l’éducation aux média s’inquiète de la montée en puissance de l’intelligence artificielle, qui présente de nombreux risques. Suite à la récente sortie de l’organisation de la société civile camerounaise œuvrant dans la promotion d’un internet sain
et des espaces de libertés publiques, il s’est entretenu avec la rédaction de Knews24.
Knews24: Vous venez de vous réunir à Yaoundé pour parler de l’intelligence artificielle. Précisément de ses enjeux. Quel est le prétexte de cette sortie?
Blaise Pascal Andzongo: La sortie des acteurs du numérique est consécutive à l’actualité récente du développement de l’IA. L’on voit grandir des inquiétudes à propos du développement récent de l’intelligence artificielle. Depuis quelques mois, on voit se développer dans plusieurs entreprises technologiques, des robots conversationnels qui bouleversent le rapport des hommes au travail. L’exemple de ChatGPT ou de Bard sont les plus parlant. Il s’agit d’outils dotés d’une capacité de répondre à de multiples questions en exploitant les masses de données contenues sur internet. Leur utilisation dans le domaine éducatif fait craindre la baisse du niveau intellectuel des humains. Nous avons également été surpris de voir le pionner de l’IA démissionner de son poste à Google et de regretter son invention. Plus récemment encore, une pétition de plus de mille acteurs du numérique a été lancée pour demander un moratoire de 6 mois dans le développement de l’IA.
K-news24: d’après votre association, l’intelligence artificielle présente des risques. Pouvez-vous nous les présenter brièvement ?
Blaise Pascal Andzongo: Comme nous l’avons mentionné dans notre déclaration, si le développement de l’IA n’est pas encadré, nous aurons à subir de nombreux dégâts.
Le premier est l’augmentation du chômage. Car, à mesure que l’IA devient plus sophistiquée, elle est susceptible d’automatiser de nombreuses tâches qui sont actuellement effectuées par des humains. De nombreux métiers seront ainsi menacés. Cela pourrait entraîner des troubles sociaux et une instabilité économique voire politique dans notre contexte où le chômage et le sous-emploi restent préoccupants.
Le second risque est la désinformation. Il faut préciser que l’IA permet de générer de fausses données, des images et vidéos hyperréalistes. On a par exemple tous vus l’image du mariage du page circuler sur internet ou encore celles de Donald Trump se faire arrêter dans la rue par la police. L’IA est elle-même accusée d’inventer des données qu’elle ne trouverait pas sur internet.
On a aussi des risques pour nos données personnelles et pour la sécurité de nos entreprises : les systèmes de l’IA peuvent être piratés ou manipulés, ce qui pourrait entraîner le vol de données personnelles ou la perturbation d’infrastructures critiques.
Enfin on peut parler d’un gros risque pour l’humanité. Car l’intelligence humaine pourrait être surplantée par celle de la machine au point où elle pourrait prendre des décisions non voulues par les humains. On pourrait donc ne plus être en mesure de contrôler ces machines qui pourraient nous imposer leurs dictats.
K-news24: qui sont les cibles de votre interpellation et qu’attendez-vous d’elles concrètement
Blaise Pascal Andzongo: Le gouvernement camerounais est le premier acteur à être interpellé. C’est lui qui est garant de la sécurité des citoyens et le développement harmonieux de la démocratie. Avec l’urgence signalée, le gouvernement devrait mettre sur pied des politiques publiques en faveur de l’encadrement de l’IA ; créer un cadre de concertation avec les autres parties prenantes impliquées dans le développement, l’utilisation et la régulation de l’IA ; Investir dans la recherche et le développement de l’IA ; créer des lignes directrices éthiques pour le développement et l’utilisation de l’IA ; Promouvoir la sensibilisation du public aux défis et aux opportunités de l’IA. Cela contribuera à garantir un déploiement et une utilisation de l’IA profitables à tous.
Nous interpellons également la société civile camerounaise qui devra accentuer la surveillance des atteintes aux droits humains et à la menace des libertés qui pourraient survenir de l’usage de l’IA. Elle devra aussi élargir ses actions de sensibilisation.
Enfin, les médias camerounais doivent être parties prenantes en servant de relais quotidien sur le développement de l’IA et ses usages au niveau national ou international, afin de maintenir les acteurs en alerte face aux nouveaux enjeux.