Conseil constitutionnel : une juridiction aux pieds d’argile ?
En marge de la cérémonie de prestation de serment de le 2 avril, c’est toute l’institution qui passe au scanner. Le conseil constitutionnel, qui dans ses fonctions régaliennes est garant de la conformité des lois et traités à la constitution, mais aussi de du contentieux pré et post électoral, fait pourtant face à de nombreuses critiques. D’aucuns décrivent un organe poreux, dont l’indépendance est diluée par des mécanismes savamment orchestrés par le pouvoir exécutif, d’autres également lui font le procès , d’un organe judiciaire acquis à la cause du politique. qu’ en est-il exactement ?
A la faveur de la loi fondamentale du 18 janvier 1996, révisant la constitution du 12juin 1972, le Conseil constitutionnel voit le jour. Ses prérogatives émanent des articles 46 à 52. « C’est le régulateur des institutions. Il a une fonction de juge constitutionnel et une fonction de juge des élections. Comme juge constitutionnel, en vertu de l’article 46 de la constitution est juge de la conformité à la constitution, des lois, des traités de convention, des règlements intérieurs des assemblées parlementaires. Le conseil constitutionnel » précise Marcelin Nguede Abada, spécialiste du droit constitutionnel.
Seulement dans son fonctionnement, la juridiction essuie de nombreuses critiques, l’institution semble payer les frais de sa relation incestueuse avec le pouvoir exécutif. « Vous avez, je crois, trois nommés par le président de la république. Vous avez Trois nommés par le président de l’assemblée nationale après l’avis du bureau. Vous avez également trois qui sont nommés par le président du Sénat et deux qui sont nommés par le conseil supérieur de la magistrature. Vous comprenez que les autorités qui les désignent les tiennent en quelque sorte, dans la mesure où leur mandat étant renouvelable ils doivent donc dire de façon à mériter le renouvellement » indique Claude Kenne, avocat au barreau du Cameroun.
Autres aspects qui mettent en doute l’impartialité de ces « sages » « la clause pendante du renouvellement du mandat mais aussi leur appartenance politique avant d’être nommés. Cela fait qu’on pense en réalité que notre conseil constitutionnel n’est pas neutre » relève Stéphane Mendouga, analyste politique.
Comment garantir de façon autonome la régulation des institutions dans ce cas ? Au vu de son architecture actuelle, le Conseil constitutionnel camerounais peut il en toute indépendance, jouer un rôle d’arbitre souverain ? Là encore, les arguments s’affrontent.
« Le conseil constitutionnel a tous les moyens de garder son indépendance et mettre en œuvre ses compétences. Vous savez un auteur disait ne rien attendre du pouvoir de nomination. Quand vous êtes nommé, celui qui vous nomme rempli une charge constitutionnelle, une charge légale ; c’est celle de vous nommer. Il ne vous donne pas le mandat autre que ressorti des missions conférées à l’institution. Donc ce qui fait la qualité d’une institution sont les hommes et les femmes qui l’animent » soutient Marcelin Nguede Abada.
Par contre l’épanouissement du conseil constitutionnel est remis doute « au niveau de la saisine. Les 32 députés qui ont saisi le conseil constitutionnel sénégalais pour qu’il statue comme il l’a fait afin de réguler et de permettre l’élection présidentielle ait finalement eu lieu et que le mandat de Macky Sall s’achève le 02 avril comme prévu par la loi, si on avait été au Cameroun cela n’aurait pas été possible » affirme Claude Kenne.
Une indépendance de façade, des membres inamovibles, au profil trop marqué politiquement, et qui doivent montrer patte blanche devant celui qui les nomme, autant de griefs qui semblent consacrer la faiblesse de cette institution.
Mais comme pour trancher ce débat, le constitutionnaliste appelle à ne pas perdre de vue l’essentiel, « Vous êtes juge constitutionnel, vous travaillez. Et d’ailleurs vous êtes protégé. Ils ont une immunité qui garantit les délibérations au niveau des membres du conseil. Sur ce point de vue, ils ne doivent pas avoir peur » tranche l’agrégé des universités.
D’autres propositions vont dans le sens de repenser les mécanismes de désignation ainsi que les profils des membres du Conseil constitutionnel, une option qui a à l’analyse du paysage juridico politique actuel, très peu de chance de prospérer