Nécrologie : Suzanne Kala Lobé est morte!
La journaliste est décédé dans la nuit du 31 juillet au 1er Aout 2024, des suites d’une courte maladie, à l’âge de 71 ans. Elle a occupé le paysage médiatique pendant plus de 30 ans. L’ancien chroniqueuse sur Equinoxe Télévision était connue pour son verbe acerbe, son éloquence et sa grande culture générale.
Des mini dreadlocks blancs sur la tête. Le visage serré. La voix raffinée. Des caractéristiques d’un esprit libre qui flotte désormais au dessus des avalanches pour l’éternité. Suzanne Kala Lobé emportée par la faucheuse aux premières heures de la matinée du 1er Aout 2024. Une journaliste engagée guidée par le chant des mots choisis, pour faire éclater la vérité. Sa douce fermeté dans le langage était son point de beauté. Une identité remarquée pendant plus de 30 ans de pratique du journalisme au Cameroun.
Une professionnelle
Les premières gouttes de l’encre de sa plume coulent sur les pages du journal « La Nouvelle Expression ». Suzanne, à travers ses textes, montre les signes d’une journaliste audacieuse. Nous sommes en 1992, date marquée par l’élection présidentielle. Elle est l’auteure de la chronique « Ma candidate serait une femme ». La presse découvre une new-comer sans peur au milieu d’une meute de professionnels aux noms bien établis. Au fil des années, Kala-Lobé franchi le pallier d’Editorialiste. Maa Su – comme on l’appelait affectueusement – entre dans l’univers de l’audiovisuel dans les années 2000. Equinoxe radio lui ouvre les portes en 2003. Les auditeurs se délectent de sa voix enivrante à travers les programmes Polémos, Livres Noirs et Musiques d’Afrique.
» La Suzanne que nous autres avions connue, c’est celle qui pouvait tenir une émission baptisée « Polemos », et dont le titre trahissait l’ambition. On fait de la polémique, point barre. C’était donc Suzanne. Qui faisait le contrepied parfait de tout. Qui bâtissait son argumentaire sur les limites et les failles de la réflexion en face, qui trempait sa plume dans l’encre de la bipolarité d’une société qui voulait imposer à tous, un angle de vue, qu’elle contestait et de façon systématique. D’aucuns ont vu en elle sur ses derniers jours, un soutien au système en place. C’est parce que en fait, ils ne l’ont vraiment pas connus. Elle avait juste horreur des voix unanimes de réflexion. Elle s’arrangeait à baigner dans une sorte d’iconoclasme provocateur. » raconte Martin Camus Mimb, dans Edito de Fin publié sur sa page Facebook.
Le grand public la découvre davantage devant le petit écran. Elle intervient comme chroniqueuse à l’émission « Vendredi soir » sur la chaîne de télévision de Séverin Tchounkeu. Quelques années plus tard, elle prend ses quartiers à Canal 2 International. Celle qui a décidé de faire le journalisme en hommage à son père Iwiyè Kala-Lobe va animer aux côtés de Celestin Edjangue le programme de « Magazine Actu ».
« L’idée du magazine Actu’ est à la demande de M. Emmanuel Chactué, Fondateur de Canal2 international, qui avait sollicité Suzanne Kala Lobè pour concevoir un programme TV alliant information et divertissement. Nous sommes en 2004.Suzanne m’en a parlé, puis ensemble, nous avons imaginé un talk show de 52 minutes avec 13 minutes de reportage et 39 minutes de débat thématique sur l’actualité. Suzanne était le feu, et moi l’eau. Notre duo formait un tout cohérent, équilibré, entre impertinence et réflexion en profondeur. Nous produisions l’émission grâce à la structure EBL Productions, et Canal2 international en assurait la postproduction. » raconte Célestin Edjangué.
Issue d’une fratrie, cette professionnelle qui n’avait pas sa langue dans la poche « représente la liberté. On fait ce qu’on veut, on avance dans sa vie selon ses préceptes, selon ses convictions et comment on veut être. Je pense que d’une certaine façon j’ai appris d’elle. C’est-à-dire que les décisions qu’on prend, on les prend pour nous et pas pour les autres » témoigne sur sa page facebook Nathalie Wakam, journaliste Africanews. Pour sonner les cloches de la fin de son amour de la presse, elle trouve quelques minutes à Dash Média. En 2013, le président de la République la nomme dans le cercle fermé des membres du Conseil National de la Communication (CNC).
Sa liberté l’a guidée tout au long de sa vie. Suzanne Kala-Lobé, cette femme sérieuse mais blagueuse, était connue pour ses prises de positions critiques sur la vie politique du pays. Elle n’avait jamais caché sa sympathie pour l’Union des Populations du Cameroun (UPC). Elle a été membre de l’Union Nationale des Étudiants du Kamerun et de l’UPC, jusqu’en 1998.Titulaire d’un doctorat en linguistique à l’université Paris-III et d’ un MBA en management culturel, sa thèse portait sur les grandeurs et dissidences au sein d’un parti politique : cas de l’UPC.